A long road to nowhere

Nous revenons vers le nord, petit à petit. Il est assez compliqué de se dire que nous rentrons car ce n’est pas le cas. Des choses s’amorcent et ne trouveront leur résolution que dans la perte de soi entre la route et les couches de ciel qui s’écrasent au loin. Peut-on vraiment revenir après ça ?

Tanger se perd dans une brume au dessus de la surface, juste là et tellement loin pourtant. On la regarde comme on se retourne sur ce qui a été, une vieille relation qui laisse quelques souvenirs vaguement bons, sans regret, sans remords, les blessures se sont effacées, les éclats de rire aussi : il reste des images que l’on garde au creux de son souvenir comme on s’accroche aux gouttes de lumières qu’il reste d’un crépuscule en craignant secrètement qu’il soit le dernier…

Je n’ai pas été déçu de revenir ici. J’y ai grandi 6 ans et j’étais parti en gardant l’impression que ce serait toujours un peu chez moi. Je ne sais pas vraiment si l’endroit a changé où si c’est moi qui ne suis plus à même de l’appréhender tel qu’il a toujours été, mais en me retournant sur cette vieille relation, les raisons de la rupture ont semblé plus évidentes que jamais. J’ai aimé les forêts de chênes liège au Sud de Tanger, les dunes que le vent défait sans cesse après Sidi Kaouki, les routes à peine accrochées aux pentes de l’Atlas, les berbères curieux que l’on soit arrivés jusque là, les inclusions basaltiques acérées que le Sagho dégueule, ces routes qui n’en sont presque plus que le désert avale, cet océan qui ne semble s’arrêter que là où meurent les vagues au pied de falaises fatiguées jusqu’à tomber encore… ces pistes éventrées de ce que le temps réserve, ce soleil qui se rapproche jusqu’à nous brûler les rétines, Youssef et ses chiens féroces…

En ordonnant tout ça, on fait de la place au monde qui reste encore à nos pieds, en sachant très bien qu’une partie de nous reste en suspens dans l’air. Si vous me demandez si on peut revenir après ça, je répondrais : a-t-il seulement été question de rentrer un jour ?

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We’re heading back north, little by little. It is quite difficult to say we’re coming back because we’re not. Things start and will only find their own resolution once you get lost between any asphalt strip and these layers of sky falling here, in the far. Can you come back from that ?

Tangiers is lost in the mist somewhere above the surface, just there but so far. You look at it like you look back on what was, an old relationship with its vague good memories, no regrets or remorses, bruises faded and laughters too. Still, you hang on to some images hidden in layers of souvenirs like you hang on to the remaining drops of light from a sunset you secretly feared might be the last…

Being back here didn’t disappoint me. I grew up here for 6 years and kept in mind that this would always be some sort of home. I don’t really know if the place changed or if I’m not as able as before to apprehend it the way it always was, but looking back on this old relationship the break-up was clearer than ever. I loved the cork oak forests south from Tangiers, the dunes the wind constantly undoes just after Sidi Kaouki, the roads almost hanging from the Atlas slopes, the Berbers wondering how the hell we got here, the basalt blades cutting our path through the Sagho, what remained of roads after the desert stroke, this infinite ocean that would only end where the waves lay dying beneath some cliffs falling over and over, the deep scars water let though the tracks, the sun getting closer and closer burning everything we saw, Youssef and his ferocious dogs…

Sorting this out, we make room for the rest of the world that awaits us (or maybe it’s the contrary), knowing that some part of us will remain floating in the air. If you ask me if you can come back from that I would answer : who said we ever had to ?

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One Comment

  1. Adri

    Hope you’ll be coming back one day… miss you guys !

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